SUR LES BORDS DE LA RIVIÈRE MANA…

Publié le par Un témoin en Guyane

Je me suis assis et j'ai pleuré

(phrase empruntée à Paolo Coelho)

13-01-27 009 copieDans le petit matin nuageux qui annonce l’averse proche, La Voix s’élève, introduisant Giustino vedro con mio diletto de l’Anastasio de Vivaldi. Légère, transparente, La Voix se meut comme brume sur le fleuve. À l’occasion d’une vocalise elle se fait plus brillante, comme éclairée de l’intérieur, produisant elle-même sa propre brillance, jusqu’à ce qu'une cadence vienne la reposer à la surface de la rivière où elle se vaporise à nouveau. L'univers entier est peuplé de toutes les nuances improbables de vert, ce vert sombre qui m’attire et me trouble, le vert-chlorophyle qui apaise ma soif, un vert-argent qui me brûle, jusqu'au vert-lumière qui me console et me rassure, sans oublier ce vert tigré qui fait tourner le monde en tous sens autour de moi…

Puis survient le trille, hors La Voix mais qui l’accompagne et l’accueille, mais d’où est-il venu ? Il est suivi d’un sifflement, puis d’un autre. Le musicien non identifié s'envole par-dessus les moucou-moucou.

Orphée serait-il toujours vivant ? D’un continent à l’autre n’y aurait-il qu’un Styx à franchir ? Les poils se hérissant sur toute la surface de ma peau piétinent ces questions désormais inutiles. D’ailleurs le froissement du vent dans les feuilles des bananiers et les branches des grands palmiers-bâche appelle la pluie qui tarde à tomber.

La Voix, toujours plus légère, enroule dans de sonores fragrances le déferlement de sifflements, froissements et souffles qui voudraient emplir l’univers. Au plus fort de ce combat amoureux se glisse entre les interprètes l’Attendue, la Désirée, l’Appelée. Douce, furtive tout d’abord, elle s’installe de plus en plus confortablement, indélogeable, tandis que La Voix, dans son ultime et sublime cadence, cède la place à La Pluie, tant attendue, à présent consentante.

Sur les bords de la rivière Mana je me suis assis et j’ai pleuré, de bonheur.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
Décidément, tu es un sacré écrivain !
Répondre
U
Ce même matin, tout aussi nuageux et venté, cette voix m'ensorcelait également, je me sentais alors au plus proche de ce vous décrivez, et sans doute de vous, bercé par cet art si sublime lorsqu'il<br /> est magnifié avec autant d'intelligence, d'abandon et de "ce je ne sais quoi" qui est indéfinissable mais avec cette douce force qui vous envahie et vous libère des incertitudes de la vie et des<br /> signes de sa finalité...<br /> <br /> Signé : un autre témoin.
Répondre
U
<br /> <br /> Où êtes-vous ? en Guyane également ? ou bien ailleurs ? Car la magie peut se trouver partout sur le globe, pourvu que l'on sache la percevoir...<br /> <br /> <br /> En fait, l'heure d'envoi de votre commentaire laisse apparaître un décalage de quatre heures... Seriez-vous dans l'hexagone ? <br /> <br /> <br /> <br />